Si loin, si proche – Chasseral, peut-être… Fallait-il en préciser la localisation? Ce territoire donné, à la fois reconnaissable et irréel, n’était-il pas suffisant en tant que tel? C’est-à-dire un «paysage premier» fort d’une fiction que la photographie aurait révélée. Et fallait-il de même en donner la mesure alors que je n’ai eu de cesse de chercher à en travestir l’échelle?…

Paradoxe du temps, paradoxe des lieux. Près de cinq ans ont été nécessaires à la réalisation de ce travail. Cinq ans à arpenter et photographier obstinément les 3,5 km² d’un contrefort de Chasseral, persuadé que le regard porté sur toute chose permet d’en changer la nature et que le réel, loin d’être figé, offre un vaste champ des possibles pour qui sait le détourner.

Il y est question d’errance et d’infini, d’un territoire improbable ciselé par la force organique d’une nature brute. De quelques fantômes aussi, qui en ont fait demeure et dont les conversations évanouies ondulent parfois encore au gré des vents.

Ainsi sont les lieux une fois qu’ils ont été vus.

À parcourir ces images, les habitués se laisseront dérouter par la perte de leurs jalons, les autres y découvriront une étendue incertaine aux frontières mouvantes...

Pour ma part, je n’aurai été qu’un passeur, celui qui donne à voir, usant des privilèges d’un regard forcément subjectif. À chacun maintenant de faire sien ce récit et d’en sonder les méandres à l’aune de son propre ressenti.